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Blessures de Guerre
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20 octobre 2008

Liencourt, 26 Juillet 1915: Henri écrit à ses parents les récits de ses campagnes d'Artois de Mai à Juillet

"[...] Sans compromettre la défense du pays, je vais vous raconter quelle a été notre mission depuis le 9 Mai 1915.

Je profite du départ d'un permissionnaire pour lui adjoindre ma lettre, lequel, je l'espère, remplira sa mission.

Tout d'abord, il faut que je vous dise que je suis actuellement en grand repos. Réserve générale du grand QG (Général Joffre). Entre Creil et Beauvais, à 40 kms de Paris, je ne suis plus en danger. Le pays superbe, des habitants aimables, nous sommes choyés comme nous méritons de l'être.

Après avoir quitté Angèle le 5 Mai, le 9 et le 10 du mois, nous livrions une bataille énergique sur Loos, faisant une diversion pour permettre à la Division Marocaine, le XXème Corps, les chasseurs à pieds d'enfoncer la ligne sur le front Souchez, Notre Dame de Lorette, Neuville St Vaast, Chélus, etc... Sur tout ce secteur, la bataille a réussi pleinement, devant les troupes de premier ordre auxquelles [sic] les Allemands ont eu beaucoup à souffrir. Mais que se passait-il plus au Sud? Une marche molle, une attaque de même par des troupes du Midi, troupes qui, en un mot, n'ont pas rempli leur mission.

Vous raconter tout ce que j'ai vu, enduré, etc..., est impossible: ma plume ne serait pas assez éloquente pour vous le décrire. Mais notre offensive brutale a cloué les Allemands qui [sic], par les prisonniers que nous avions (prisonniers que nous n'avions pas eu le temps de tuer, car l'ordre était celui-ci: "nettoyer les tranchées Boches") a été pour eux un coup terrible.

Après ces deux journées, je restais en réserve 2ème ligne, puis en 3ème ligne. Dirigé sur Neux-les-Mines, je reconstituais ma Compagnie, diminuée de 99 hommes et de 2 officiers, et je filais devant Liévin, Cité des Cornailles. Nouvelle bataille, attaque des Ouvrages Blancs (forteresse allemande), près d'Angres, etc, etc... puis le 16 Juin, nouvelle grande bataille sur le front Souchez-Neuville St Vaast, face au Bois de la Folie, 2kms au Nord-Ouest du bois. Quel était le but de cette nouvelle bataille? D'après ce que j'ai entendu dire, nous étions chargés de faire renforcer les lignes allemandes, pour permettre aux Russes de faire une retraite en ordre sur leur front Premysl, Limberg, etc... Notre but a pleinement réussi. 11 Divisions allemandes ont renforcé notre front, et les Russes purent opérer leur mouvement en ordre sous la grande poussée énergique de Mackensen.

Les 27,28, 29 Juin, nouvelle grande bataille. C'est mon tour, avec ma Compagnie entière, je charge à la baïonnette, sur les 5 Chemins, face à la Folie, et je me casse le nez sur les réseaux de fil de fer cachés dans les luzernes, avoines, etc... Mon offensive a été arrêtée par un feu nourri des mitrailleuses et de tir d'infanterie; un tir de barrage de grosse artillerie allemande empêche les réserves d'approcher. Je m'arrête, et sous les balles et obus, j'arrive à faire une tranchée qui, à la nuit venue, me mettait en toute sécurité contre une offensive Boche. Perte: 1 Adjudant, 34 hommes, peu de morts; les dispositions des tranchées fauchaient les jambes de mes hommes. En ce qui me concerne, j'ai tout reçu, mais aucune blessure sérieuse. Je dirais même: le sang n'a pas coulé, mais que ...de contusions!

Je n'en étais pas quitte [pour autant]. Les 1er et 2 Juillet, en réserve de 1ère ligne, je me suis trouvé sous un tir formidable d'artillerie: 6 gros noirs de 210mm, 18 obus de 77 sont arrivés autour de ma cagna, brisant tout, remuant toute la tranchée, et m'asphyxiant; j'ai passé pour mort; tous mes hommes n'osaient pas venir me relever, et au bout d'un instant de répit, je sortais d'un petit coin, et à toute allure, j'allais rendre compte au Colonel et au Chef de Bataillon que j'en étais quitte pour un grand mal au coeur, vomissements de bile, etc... Le soir venu, je me suis vengé, et par un tir d'obus explosifs (canons de tranchées), j'ai fait voir que nous étions encore debout. Ce que faisait mon Régiment était le même travail que nos camarades de la 17ème et la 18ème Divisions.

Le 3 Juillet, nous passions en réserve de la 10ème Armée, près de St Pol (Fruges) [...].

[...] Renforcement des cadres et de la Compagnie, la veille du 14 Juillet. Les Anglais arrivent, prennent le secteur au Nord d'Arras, et mon Corps d'Armée passe en réserve du Grand QG, dans la 2ème Armée. Je quitte le Général d'Urbal pour prendre, je crois Maunoury. Rien de sûr. Angèle me quitte le 14 Juillet au matin,  et tous les deux, nous nous donnions rendez-vous à Châteauroux pour une permission 6 jours délais compris. Depuis, on a changé plusieurs fois de manoeuvre, et voilà neuf jours que je roule ma bosse sur Coco [Bel Oeil] [...].

[Lettre du 26 Juillet 1915, à Liencourt]

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